Titre | Sérialité et fictionalité : pour une poétique du récit sériel |
Auteur | Anaïs GOUDMAND |
Directeur /trice | Raphaël Baroni |
Co-directeur(s) /trice(s) | Jean-Marie Schaeffer |
Résumé de la thèse | En quelques décennies, les séries télévisées se sont imposées comme une forme culturelle majeure. Ce développement impressionnant met en évidence le goût pour les récits à épisodes, qui peuvent se prolonger indéfiniment. Bien entendu, ce type de narration n’est pas nouveau ni spécifique à la télévision. Les supports du récit sériel sont extrêmement variés : il s’agit d’une catégorie narrative plastique et protéiforme qui s’adapte aux différents dispositifs en fonction par exemple des évolutions technologiques (roman-feuilleton, feuilleton radiophonique, bande dessinée, cinéma, série télévisée…). Ce travail vise à étudier les modalités de réception des récits sériels entre les deux extrémités temporelles du régime médiatique, des romans-feuilletons de la première moitié du XIXe siècle et aux séries télévisées récentes afin de comparer les phénomènes à l’œuvre dans les différents médias, d’affiner l’analyse en la contextualisant historiquement, et de mesurer (ou de relativiser) la part des avancées technologiques dans l’évolution des pratiques. Le trait commun entre les différents récits sériels est la diffusion discontinue : pendant une durée qui varie de quelques semaines à plusieurs années, le public est soumis à des stratégies visant à le « fidéliser » en programmant la sortie de chaque nouvel épisode à des intervalles plus ou moins réguliers. Ce principe cumulatif du récit se fonde sur une synergie étroite entre la dynamique narrative et la temporalité médiatique dans laquelle il s’inscrit, ce qui entraine des conséquences poétiques, esthétiques, et pragmatiques dont il s’agira d’interroger les implications. Nous nous proposons de déplacer le centre de gravité de l’analyse des structures narratives vers la manière dont ces structures s’intègrent dans une expérience d’un genre particulier : il s’agira de prendre en compte non seulement l’actualisation des livraisons elles-mêmes, mais également l’occupation du temps de latence qui les sépare, dans ce temps qui appartient, même négativement, à l’expérience sérielle. Nous envisagerons aussi bien les dispositifs narratifs des récits sériels que leur dimension sémantique et leurs usages socioculturels. Cette approche intégrative permettra une conception souple du récit sériel, attentive au va-et-vient permanent entre différentes postures d’interprétation, voire à leur coexistence. La notion de monde narratif, traduction du storyworld issu de la narratologie cognitive, permettra d’aborder les opérations de restitution d’une continuité au-delà de la discontinuité entre les segments. Mais plutôt que de considérer la (re)construction du monde narratif uniquement comme le résultat de processus mentaux reconstituables à partir des indices du récit, nous envisagerons également les usages effectifs des interprètes, en nous inspirant à ce titre des apports de la sociologie culturelle : sur ce plan, le recours à des observations empiriques permettra de nuancer et de compléter l’analyse théorique.
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